Libye : état des lieux après deux mois de guerre civile

Publié le par actualite-et-politique

 Voilà plus de deux mois que la guerre civile a éclaté en Libye, faisant plus de 1.500 morts depuis le début des combats, et entraînant la fuite de plus de 600.000 personnes vers les frontières. Malgré la foi des rebelles en leur combat et l’intervention de la communauté internationale, les médias n’ont eu cesse ces derniers jours de parler d’une situation qui n’avance pas : Kadhafi et le régime libyen sont toujours en place, chaque jour amène son nombre de morts et de blessés, les camps de réfugiés ne désemplissent pas, la situation humanitaire se dégrade. Qu’en est-il réellement ? Les choses s’enlisent-elles ?

 

Bilan des camps adverses :

Actuellement, même si Kadhafi dispose encore de moyens militaires, la situation n’est pas bonne pour lui et le régime libyen : tout d’abord, le dictateur est de plus en plus isolé sur le plan international. Au niveau national, 61 chefs ou représentants des tribus libyennes ont affirmé leur volonté de construire une « Libye unie », « une fois le dictateur parti », dans une déclaration rédigée le 12 avril à Benghazi et publiée mercredi à Paris sur le site de B. Henry-Lévy, La règle du jeu. Qui plus est, ses proches ont commencé à le lâcher, comme Mustafa Abdel-Jalil, ancien ministre de la Justice libyen, ou encore Moussa Koussa, ancien ministre des affaires étrangères et homme de confiance de Kadhafi. C’est la famille du guide qui à présent prend sa défense, à l’image de sa fille, Aïcha qui, le 15 avril, déclarait : « parler de la démission de Kadhafi est une insulte à tous les Libyens, parce que Kadhafi n’est pas en Libye, mais dans le cœur de tous les Libyens » (lemonde.fr). Enfin, on pourrait voir comme le symbole du début de la chute du régime de Kadhafi, la destruction des bureaux du dictateur par les forces de l’OTAN, dans la nuit du 24 au 25 avril.

Du côté des rebelles, malgré le manque d’armement, d’organisation et d’expérience militaire, la volonté des révolutionnaires et l’intervention aérienne de l’OTAN leur ont permis de continuer un combat qui aurait pu s’achever en quelques semaines dans un bain de sang et la poursuite d’un régime dictatorial. Le Conseil National de Transition (CNT) libyen est aujourd’hui reconnu officiellement par quatre pays, et compte de plus en plus de soutiens, notamment financiers ; par exemple, le Koweït a accordé le 24 avril une aide de 180 millions de dollars à la rébellion, et va collaborer « étroitement » avec le CNT, selon le ministre des affaires étrangères koweïtien, sans dire pour autant que l’émirat reconnaissait officiellement le CNT. Le président Obama a quant à lui ordonné le déblocage de 25 millions de dollars destinés aux rebelles, aide non-militaire pouvant contenir des véhicules, des ambulances, des camions citernes, des équipements médicaux, des gilets par balles, des jumelles et des radios.

 

Résolution 1973 :

Certains s’indignent que l’intervention internationale dure et que la situation stagne. Rappelons que la résolution 1973 met en pratique pour la première fois le concept de « responsabilité de protéger » ; ainsi, si Kadhafi tombe par une solution militaire extérieur, ce concept n’aura plus de légitimité. Si, par contre, le dictateur tombe suite à son isolement, même si cela met plus de temps, alors le concept sera respecté. La résolution 1973 a donc pour but de protéger la population civile, non de renverser le régime (même si en protégeant les civils, et donc les rebelles, la communauté internationale participe à l’éviction du régime de Kadhafi). Or, le bain de sang que l’on craignait à Tripoli et dans les autres villes de Libye durant le premier mois du conflit a pu être évité, grâce à l’intervention aérienne de l’OTAN. La résolution 1973 semble donc pour l’instant respectée, et tant que les combats et bombardements dureront, il n’y a pas de raison que l’intervention internationale cesse. Si aujourd’hui certains pays, comme la Russie ou la Chine, critiquent cette intervention qui selon eux ne respecte pas la résolution 1973, et annoncent d’ores et déjà qu’ils ne soutiendront aucune nouvelle résolution de l’ONU prévoyant une intervention militaire en Libye, la communauté internationale continue de soutenir sa volonté d’intervenir comme force de protection des populations civiles et non comme force d’ingérence militaire.

 

La situation humanitaire

Les problèmes les plus graves aujourd’hui sont tout d’abord la situation humanitaire, et la fuite de milliers de personnes vers les frontières. L’exemple de Misrata, ville portuaire à l’est de Tripoli, est le plus marquant : les hôpitaux sont submergés à cause du nombre de morts et surtout de blessés liés aux bombardements quasi quotidiens. L’évacuation de ces blessés par le port de la ville vers Benghazi, fief de l’insurrection, est de plus en plus difficile, toujours à cause des bombardements. Enfin, la livraison de vivres, fournitures médicales et autres articles de secours a été interrompu cette semaine, toujours pour la même raison. A Benghazi aussi les problèmes de ravitaillement se font ressentir, notamment avec la hausse des prix des vivres et la difficulté à trouver certains produits alimentaires de base.

Depuis le début du conflit ce sont aussi plus de 626.000 personnes qui ont fui le pays selon l’Organisation Internationale pour les Migrations (OIM). 57.000 se sont réfugiées au Niger, et plus de 200.000 en Tunisie. Le Niger a appelé aux donateurs pour aider le gouvernement à faire face à l’arrivée massive des réfugiés dans des camps de migrants à présent bondés. En Tunisie, alors que tout doucement la démocratie tente de s’installer, on doit également gérer la crise humanitaire et le passage de milliers de personnes espérant rejoindre l’Italie. Cela a également provoqué des tensions au sein de l’UE, entre la France et l’Italie, et lancé le débat sur les accords de  Schengen, la France envisageant de les suspendre.

La situation en Libye avance donc, lentement mais sûrement, Kadhafi perdant chaque jour un peu plus de puissance. La situation humanitaire par contre s’aggrave en raison des difficultés à approvisionner les populations en vivres et matériels de soins médicaux et à accueillir les centaines de milliers de réfugiés dans les pays frontaliers à la Libye.

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